Le développement durable
Sylvie Brunel
Puf – coll. Que sais-je ?
Attention, ce livre est un pavé !
Si par son format et le nombre de pages, il est conforme à
ce qu’on trouve habituellement dans cette collection, il tranche
nettement par son contenu. D’une part, il est extrêmement dense, d’autre part,
l’auteur n’a pas sa langue dans sa poche, et le ton général du livre est
particulièrement engagé. Tout le monde en prend pour son grade. Impossible pour
le lecteur de rester cantonné dans son petit confort intellectuel après l’avoir
lu.
J’évoquais récemment le remarquable livre de John Kenneth
Galbraith « Les mensonges de l’économie ». Celui-ci aurait pu être
titré « Les mensonges du développement durable ». Mais ça ne collait
sans doute pas avec les habitudes plutôt neutres et didactiques de la collection
« Que sais-je ? ». De fait, il y a tromperie sur la marchandise.
On ne trouve pas dans ce livre se qu’on pourrait croire à la lecture du titre.
On y trouve beaucoup plus.
Sylvie Brunel met en évidence les multiples récupérations
dont l’expression « développement durable » a été victime. Le
concept, généreux en soit, peut être simplement assimilé, nous rappelle
l’auteur, à une généralisation de la notion d’intérêt général à tous, à
l’humanité présente et future. Mais l’expression est mise aujourd’hui à toutes
les sauces, et sert à défendre des intérêts souvent bien éloignés de la cause
initiale.
Mais le propos principal du livre, c’est de montrer comment
le triptyque « économie, social, environnement » sur lequel repose le
développement durable s’est progressivement déséquilibré au profit quasi
exclusif du volet environnemental (Et pourtant, même dans ce domaine, avec des résultats bien faibles). Un chapitre au titre provocateur « Le
développement durable contre le développement », montre comment la
situation de non développement des pays du sud arrange bien les pays du nord.
Et surtout comment un quasi consensus s’est mis en place pour ne pas voir et ne
pas lutter contre la grande pauvreté et le sous-développement.
Pour l’auteur, la seule solution pour mettre en œuvre un
véritable développement durable est de rééquilibrer le trépied sur lequel il
repose, en accentuant la lutte contre la pauvreté et en relançant l’aide au
développement, réduite comme peau de chagrin depuis la fin de la guerre froide
et oubliée depuis les attentats du 11 septembre. L'auteur appelle aussi à la relance d'une vraie coopération Nord/Sud et à la mise en place d'une gouvernance mondiale forte sur la question du développement (en replaçant les états au coeur du système).
Bien sûr, certains propos de l’auteur peuvent choquer les
convictions les plus environnementalistes. Mais le livre a la force de pointer
les nombreuses dérives de la mise en œuvre du concept de développement durable,
notamment l’oubli dans lequel on maintient les populations les plus pauvres de
la planète. Chacun a le droit de conserver son opinion. Je ne suis pas non plus
d’accord avec tout ce qui est écrit dans le livre, ni avec certaines formules
choc de l’auteur. Pour moi, peu importe qu’on cherche à sauver l’humanité
pour sauver la planète, ou l’inverse. Les deux sont intimement liés. Et au
final, ce qui nous intéresse, c’est l’humanité. Celle d’aujourd’hui, et celle
de demain, à qui nous devons laisser des choix possibles et des conditions de
vie au moins égales aux nôtres.
Lisez ce livre : Vous en prendrez plein la figure, mais vous vous en remettrez…
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