Ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt sceptique sur la rhétorique de la décroissance. Mais d’ailleurs peut-être plus sur la forme que sur le fond.
Tout dépend de quoi on parle. Au delà des mots, développement durable ou décroissance, le vrai problème c'est : Et maintenant on fait quoi ? Et avec qui ?
Et je suis assez déprimé, je dois bien l’avouer, par cette querelle stérile entre les « décroissants » et ceux qui, comme moi, continuent à croire que le développement durable est, au final et pour faire simple, l’expression de l'intérêt général dans le sens le plus large possible, notamment en intégrant celui des générations futures. Ou devrait l’être, tant il est facile, effectivement, de détourner une expression de son esprit initial pour l’accommoder à une sauce maison.
Mais est-ce une raison, si l’expression est détournée par certains intérêts particuliers, pas toujours avouables, pour tout rejeter en bloc, le bébé et l’eau du bain ?
Un blocage du dialogue, une sclérose des idées et de la pensée serait le pire qui puisse arriver à l’écologie (Qui est selon moi un bien public, n’appartenant à aucun parti ni à aucun courant). Alors pour reprendre l’expression de Maurice Thorez :
« Décroissant : Je te tends la main ».
Discutons, échangeons, mettons nos idées à plat, et acceptons de les remettre en cause. Aucune formule magique, aucun concept, aucun programme ne nous dispensera jamais, et c’est heureux, de penser. Les idées ont ceci en commun avec les écosystèmes et les organismes vivants qu’elles sont en constante évolution et en permanence en "rééquilibrage".
Il est peut être utile, pour cela, de séparer, juste un moment, la forme du fond.
Si on accepte que la forme soit au service du fond, et non l’inverse, le choix des mots devrait être guidé par un souci « pédagogique ». Il me semble important aujourd'hui de mobiliser le plus grand nombre, d'emporter l'adhésion et d'inviter chacun à passer concrètement à l'action (Nous n’en sommes plus à « la nécessaire prise de conscience »).
Est-ce qu’une rhétorique reposant principalement sur la contrainte, les restrictions, voire les sanctions, est à même de rallier le plus grand nombre à l'écologie, à la solidarité et au respect des droits des générations futures ?
Est-ce qu'un discours reposant sur le plaisir, le partage, le bien être, le « savoir vivre ensemble » ne serait pas plus mobilisateur ? La prise en compte des besoins des générations futures doit-elle signifier le sacrifice des générations actuelles ?
Comment mobiliser les plus jeunes, ceux qui vivent du mauvais coté du périph., ceux qui sont exclus de l'emploi, et tous ceux qui galèrent avec leurs fins (faims) de mois ?
Ceux là, la décroissance, ils y sont déjà, et ils n’en voient que les aspects négatifs. Finalement, est-ce que pour « décroître », il ne faudrait pas d’abord en avoir les moyens ? D’ailleurs, comment dit-on décroissance en malien déjà ?
Bien sûr, mon propos est caricatural. Mais, encore une fois, le choix des mots …
Finalement, sur le fond, les choses sont plus simples. Nous n’avons qu’une planète, dont nous commençons à peine à percevoir les limites, et dont la résilience elle-même (sa capacité à « encaisser les coups ») est limitée. Et les ressources non renouvelables ont ceci de singulier qu’elles sont non renouvelables. L’empreinte écologique globale de l’humanité dépasse déjà la surface terrestre disponible, et il nous faudrait aujourd’hui environ 1,2 planètes pour absorber notre train de vie. Si les 6 milliards d’habitants actuels vivaient comme des européens, c’est 4 planètes qu’il nous faudrait. Etc. Tous cela, vous le savez déjà. Et il est absolument indécent que notre confort de vie occidental soit conditionné par la misère dans lequel vit le plus grand nombre.
Alors : décroissance ou développement durable ? Ca vaut la peine d’en parler. De regarder les bons indicateurs : Indice de Développement Humain et Empreinte Ecologique. Et de se poser les bonnes questions : Peut-on faire progresser l’humanité tout en réduisant son empreinte écologique ? Peut-on créer de la richesse (et la répartir) autrement ? Peut-on convertir massivement, et rapidement, l’économie vers un mode de production soutenable, reposant sur les énergies renouvelables, le recyclage des matières premières, sans investir des sommes colossales ?
Les bonnes questions ont été posées il y a déjà quelques décennies, entre autres par le « Club de Rome », notamment dans le rapport « Halte à la croissance » (Le titre original, moins vendeur mais plus factuel était « The limits to Growth »). Quelques éléments de réponses pertinents sont donnés dans un livre, qui commence lui aussi à dater : « Facteur 4 », dont l’approche propose de réduire d’un facteur deux l’impact environnemental, tout en augmentant d’un facteur deux la production de biens et de services pour satisfaire les besoins de la population mondiale. Cette approche est pertinente. Bien sûr, à l’horizon 2050, c’est un facteur 10 qu’il faudrait viser. C’est ambitieux. Ca va coûter cher. Mais le prix à payer sera encore plus élevé si on ne fait rien. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On commence quand ? Avec qui ?
Toujours le choix des mots : Ambition ou résignation ? Motivation ou découragement ?
Nous avons le choix… Des mots, et des actes.
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