Un de mes amis, qui jouit, et c’est tant mieux pour lui, d’une certaine aisance, utilise un bel euphémisme lorsqu’il évoque ses revenus et sa situation patrimoniale : Il parle alors de ses « moyens d’existence ». J’avais déjà entendu cette expression, et elle ne m’avait jamais jusqu’alors fait réagir.
Mais tout de même, il y a de quoi réfléchir : Est-ce à dire que votre existence est liée aux moyens dont vous disposez ? Que faute de ces « moyens d’existence », vous n’existez plus ?
On se révolte, on s’insurge : « Mais non, la vie d’un être humain ne peut être réduite à des critères économiques, monnayables, quantifiables ! »…
Et pourtant.
L’histoire est écrite par les vainqueurs, plongeant dans l’oubli, le mépris ou la réprobation les perdants. Cette histoire est faite de guerres, de conquêtes, de croisades, de massacres et de traités de paix. L’histoire, sous cette forme là, continue encore, hélas. Même si « Le Monde » titrait hier en première page sur « Des guerres moins nombreuses et moins meurtrières ».
Mais la « guerre économique » a elle aussi ses gagnants et ses perdants. Et avant d’en écrire l’histoire, les « règles du jeu » sont écrites par les gagnants.
Même dans nos pays riches, la pauvreté est là. Mais nous ne la voyons qui si nous le voulons bien. Sa « prise en charge », les mécanismes de compensation, de redistribution, sont proposés et mis en œuvre par ceux qui disposent de ces fameux moyens d’existence. Les autres, le plus souvent, se taisent. Leur silence contribue à leur invisibilité. Il faut une explosion de violence, des drames familiaux épouvantables, des catastrophes comme celles de l’ouragan Katrina pour que les pauvres, ceux qu’on ne veut pas voir, deviennent visibles. Comme s’ils sortaient tout à coup de terre, comme dans un film de George A. Romero.
Lors d’une récente conférence sur « l’accès à la nourriture et aux soins pour tous », un conférencier a pu, sans cynisme aucun, prononcer les mots suivants :
« S’ils n’ont pas accès à la nourriture, à l’eau potable et aux soins de base, c’est qu’ils sont économiquement invisibles. Faisons en sorte qu’ils deviennent visibles, et ils y auront accès ! »
A méditer.
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